Tout est sombre et visqueux, poisseux même. Une étrange lumière verdâtre inonde l’espace disponible, dans lequel nage confusément une petite chose frénétique et fragile. Elle a eu du mal à se fixer. Avec obstination elle s’est entêtée et, à force d’efforts, a fini par y arriver. Les jours passent, puis les semaines. Peu à peu elle prend forme, et gagne en assurance. Il y a eu un printemps, puis un été. La petite chose change d’apparence, elle se métamorphose, grossit, prend de l’embonpoint.
Un jour des ondes bizarres parcourent l’espace. Des bruits confus parviennent du dehors, un brouhaha dans lequel résonne un timbre grave et un autre plus aigu. Un léger choc se répercute jusqu’à elle, qui la fait sursauter, puis un deuxième et un troisième. Le timbre grave, qui a disparu, reprend un peu plus tard. L’onde sinueuse produite l’enveloppe et lui procure du bien-être. Le son monte, descend, s’étire, se contracte puis saute allègrement avant de retomber, essoufflé. Elle aime bien cette résonnance qui l’accompagne à intervalles réguliers, si différente de la sourde pulsation à sa gauche, toujours présente juste au-dessus d’elle. Un jour elle se sent suffisamment forte pour s’ébrouer, gigoter quelque peu. De temps à autre un vertige la prend, une envie folle de s’élancer. Mais qu’y a-t-il donc au dehors ? Un monde inconnu. Qu’on est bien de ce côté-ci de la paroi.
L’automne arrive. Elle a tellement grandi qu’elle n’est plus à l’aise, et se cogne partout. Une soudaine urgence la saisit. Il est temps, se dit-elle. Temps de quoi ? Elle ne sait pas. Un étrange remue-ménage se déchaine au dehors. A l’intérieur c’est la tempête. Elle se sent poussée par une force pressante vers la sortie. C’est difficile, la pente est glissante, il lui faut s’y reprendre à plusieurs fois. Finalement, après un dernier effort elle émerge dans une lumière aveuglante. L’air extérieur lui brûle les poumons. Elle pousse son premier cri.
Avant de plonger vers l’inconnu elle s’est dit : « Il serait dommage de revenir en arrière ».
Violaine