Six heures
Le cri retentit, puis une pause. Peut-être que cela va s’arrêter là, il va se rendormir. Non c’était pour tromper l’ennemi, ça reprend. J’ouvre un œil et lorgne le réveil : six heures. A partir de quel âge ces petites choses dorment-elles enfin le matin ? Je ne demande pas une grasse matinée, mais une petite heure de plus, sept heures, sept heures et demi. Ça change beaucoup. Je me lève péniblement, enfile le peignoir et passe dans la chambre d’à côté. Il est debout, accroché à ses barreaux, se calme un peu en me voyant. Le bébé sur la hanche je me dirige vers la cuisine, car si le biberon n’arrive pas promptement, on va l’entendre.
Dernière tournée, je pousse le chariot de médicament, compte les pilules dans les petits godets. Ne pas se tromper même si c’est la fin de la nuit. Ça n’a pas arrêté, le monsieur de la chambre six a fait sonner ses alarmes toute la nuit, j’ai dû appeler trois fois le médecin de garde. Je lève les yeux vers les écrans, c’est bon sa tension se maintient. La dame du quatre a fait une crise d’angoisse, j’ai dû rester avec elle une bonne heure pour la calmer. Six heures, il va falloir faire le tour des chambres, la relève arrive dans une heure, il faut que tout soit prêt.
Six heures, je n’ai dormi que trois heures. Après tout à mon âge c’est peut-être normal, je n’ai pas tant à faire de la journée. En même temps quand les nuits sont longues et les journées aussi, je me dis que c’est ma vie qui est devenue trop longue. J’aimerais raccourcir un peu mes nuits et mes jours. N’en garder que les moments heureux ou intenses. Mais rien n’y fait le temps est son propre maître. Je me lève, enfile mes pantoufles et ma jaquette, glisse vers la cuisine pour me faire un thé.