Nuit dans l’Atlas
Nous allions toujours plus avant dans cette vallée de l’Atlas dont les parois se resserraient à chaque pas, nous emprisonnant dans cette nature sauvage, aride. Chaque soir, nous montions nos tentes, sortions notre barda.
Après avoir déroulé mon mince matelas mousse, j’ouvrais mon sac de couchage, y glissais mon T-shirt, mon caleçon et mes chaussettes pour la nuit. Je suspendais ma lampe de poche à l’entrée, puis me rendais à la source avec mon linge et mon savon pour ma toilette. Les jours passant, elle rétrécissait. Au premier bivouac, nous nous étions baignés dans des piscines naturelles. Ce soir une lavette humide sur le visage, le corps et les pieds rapidement rincés suffiraient.
Je me suis rhabillée avant que la nuit ne tombe amenant une froidure dont il serait impossible de se séparer avant le soleil matinal.
Une certaine agitation régnait dans la tente principale.
– Si vous voulez dormir en plein air, c’est ce soir. Dès demain, nous serons trop près des villages, déclarait Mohamed d’un ton sans appel, laissant penser qu’il y avait eu une longue discussion en mon absence.
– On se disait qu’une nuit sous la voûte céleste compléterait bien notre voyage, m’expliqua Jean et comme tu l’as entendu, c’est ce soir ou jamais.
– Dormir dehors par ce froid…
Je n’étais pas très enthousiaste. En plaine, je pouvais l’envisager, mais nous étions au-dessus de 3000 mètres ! Nos accompagnants dormaient sous la tente de mess serrés les uns contre les autres pour avoir chaud.
– Nous ferons comme eux, m’a expliqué Jean, comme s’il avait eu accès à mes pensées, nous nous serrerons les uns contre les autres. Et puis nous avons nos matelas et chacun une couverture de survie.
Il a réussi à tous nous convaincre. Avant la nuit, nous avons repéré un endroit assez plat pour nous héberger les cinq.
Le repas fut teinté d’une excitation nouvelle, ils parlaient tous en même temps. Pour cacher leur inquiétude ? En ce qui me concerne, elle m’avait rendue silencieuse. Je n’avais jamais dormi en plein air, mes craintes enfantines m’envahissaient ; j’appréhendais la venue du loup ou du loup-garou. Après le thé à la menthe, nous nous sommes dirigés vers nos tentes pour prendre nos matelas, sac de couchage et couverture de survie. Tant bien que mal, nous nous sommes installés dans la place repérée. J’étais coincée entre Jean et Paul. Ils possédaient deux qualités essentielles à mes yeux ; ils ne ronflaient pas et avaient souvent dormi à la belle étoile. J’étais fourbue par une longue journée et allais sombrer dans le sommeil :
– Regarde comme c’est beau, m’a soufflé Jean.
Je me suis étendue sur le dos et ai plongé dans le scintillement du ciel. Une poudre argentée brillait telle une poussière de diamant posée sur un tissu foncé. Des étoiles à la luminosité forte dessinaient des formes connues, mais dont les noms m’échappaient. Soudain un trait a traversé le ciel.
– Tu l’as vue ? Une étoile filante. Paul s’y mettait aussi.
– C’est trop beau, ai-je murmuré comme si un cri, un bruit trop fort ferait disparaître cette toile.
La fatigue m’avait fui. J’ai observé un mouvement très lent : la voûte céleste se déplaçait. Je me sentais minuscule et en même temps totalement intégrée à l’univers. Le ciel changeait de couleur lorsque le sommeil m’a cueillie.
Suzanne